ESPAGNE.
Des traîtres nocturnes à l'âme marécageuse
Frères de la vipère et des tenues de deuil
Ont poignardé la belle étoiles chargée d'espoir
Parmi les algues les ténèbres les fleuves défunts
Souffle la mer qui fait des pyramides de larmes
De fatals escaliers des musiques avec du sang
Sous des nuées qui passent comme des chars blessés
Dans un ciel tout altéré plein de canon distants
l'épopée du peuple qui exige son destin
Lève des fronts au ciel et brise de grands courages
Et les fantômes dansent entre les bateaux malades
Dans la nuits de l'homme qui nourrit les cimetières
Passent des soldats passent des vagues passent des vents
Pareils aux notes d'un chant qui effraie les âges
L'immense symphonie avec ses hommes et sa pluie
Se perd dans une tombe ouverte sous le soir
Des armées de lumières tout au bord de la mort
Se dresse la forêt et en chantant passent les soldats
C'est ce grand voyage aveugle des voiles et du vent
Vous ne reverrez plus ces soldats
Ligne après ligne ils attaquent les horizons
Et viennent mourir sur la plages parmi les vagues
Tant de sourire tant de sang tant de héros qui tombent
Et sortent de leur corps comme sortaient des fabriques
L souvenir de l'homme est de moins que cette lune
Qui perd la tête et puis tombe sur la mer
Et pourtant ces visages de soldats qui passent
Jamais plus vous ne pourrez les oublier
Agonie agonie de la rose et de la pierre
Les vents se fracassèrent sur la plus haute tour
Mille étoiles tomberont sur la quille brisée
Et sur terre chacune aura plus de cent noms
Le peuple sera grand comme sa propre statut
Comme ce continent qu'il fit sortir la nuit
Et le galop historique des maisnies épiques
Qui donnent des frissons aux ailes de la forêt
des lauriers et des lauriers et puis cent lions antiques
Pétrifiés par la foudre et par les éclairs
Procession de cercueils sur les ponts de l'oubli
La liberté vaut bien un astre qui s'émeut
Et passent les fantômes liés entre eux par l'ombre
des lauriers et lauriers et tonnerres et éclairs
Viennent les lamentations et les rameaux de gloire
Jamais plus vous pourrez ces soldats
Squelettes vivants qui sont dessous la terre
Seront les instruments d'une musique éternelle.
El Mondo Azul n°20 17 de Junio de 1937.
Vicente HUIDOBRO.