PROPOSITION DE CHARTE DE FONDATION
DU MOUVEMENT DU 1ER JUILLET
Soumise à amendements jusqu’au 30 novembre,
Débattue et soumise au vote le 2 décembre lors de notre événement national au Mans
PREAMBULE
Nous sommes les héritiers d’un long combat. Notre mouvement et nos valeurs ne sont
pas nés miraculeusement au gré de contingences ou de quelques actes héroïques
d'une poignée d'insensés.
Nous ne sommes pas les enfants du hasard mais d'un idéal : le droit absolu et
irréductible des êtres humains à naître et à vivre libres, dignes et égaux.
Cet idéal est celui de la Révolution française et des Lumières. Plus de deux siècles plus
tard, notre résolution demeure intacte et nécessaire. L’Histoire nous enseigne que si
l’humanité avance, la possibilité du recul n’est jamais loin. Les yeux bien ouverts et le
cœur vigilant, nous savons que des injustices criantes demeurent, que des formes
nouvelles de domination émergent, que l’espèce humaine est menacée par une course
1absurde et destructrice au profit, que le principe même d’égalité entre les êtres est
contesté, qu'enfin nous sommes portés par le devoir à jamais actuel de réduire les
fractures incessantes entre l’idéal et le réel. Face aux tensions d’une époque, face aux
mutations d’un monde troublé, face aux atteintes toujours plus irréversibles aux
ressources naturelles, face aux peurs et à l’ampleur de la tâche, nous nous rassemblons
pour porter haut la perspective du progrès humain, c’est-à-dire l’aspiration simple à une
vie meilleure pour soi-même et les générations à venir.
Voilà la raison même de notre existence. Nous sommes les filles et les fils des
mouvements ouvriers dont les sacrifices, le sang, les chants et la force ont arraché
l’individu à la misère où l’avait placé le système capitaliste. Nous sommes les filles et les
fils du Front populaire et du programme du conseil national de la résistance qui
proclamèrent, en des « jours heureux », l’inviolabilité de nos droits fondamentaux,
politiques et sociaux. Nous sommes les descendants de tous les combats humanistes,
écologistes et progressistes, de l’abolition de l’esclavage à celle de la peine de mort, du
refus de toutes les oppressions et de la quête constante de l’émancipation individuelle,
nous croyons à la tempérance et à la nécessité de dépasser un système capitaliste qui
méprise le vivant et dévaste les forêts, les océans et la biodiversité animale et végétale.
Nous faisons nôtre la charte des Verts mondiaux qui fait de la préservation de notre
Terre et des générations futures la ligne centrale de toute politique éthique. Nous nous
inscrivons dans la tradition des combats ouverts à Porto Alegre en 1994 en faveur d’une
mondialisation bienveillante, opposée à la dictature du libre-échange et de la
financiarisation de l’économie. Nous croyons farouchement à la force supérieure de la
coopération sur la compétition.
Nous sommes enfin de tous ceux qui, en France et dans le monde, pensent, imaginent,
et agissent contre un système libéral qui accroît sans cesse la pauvreté, les inégalités et
génère la violence. A tous ceux qui s'entêtent à confisquer le pouvoir, à tous ceux qui
refusent obstinément de faire confiance aux citoyens parce que le monde serait devenu
trop complexe, à tous ceux qui rêvent d'un monde élitiste et aristocratique nous
rappelons qu'il n'est de souveraineté que dans le peuple et qu'il n'est pas de démocratie
sans lui.
Au moment où la révolution digitale accélère la métamorphose du travail, supprime des
millions d'emplois et permet à de grands consortiums privés de prendre possession de
nos vies par la propriété de nos données personnelles ne plus être mises au service du progrès humain, il est temps d'agir pour concilier l'innovation technologique et le progrès
humain.
Au moment où les grands intérêts privés accaparent la richesse au détriment de l’intérêt
général et de la préservation de l’environnement, où les citoyens se sentent dépossédés
de leur pouvoir et où l’individu se sent parfois invisible et méprisé, il est temps d’agir
pour que les peuples ne demeurent pas dans l'ignorance de leur propre force.
Notre volonté est immense. Nous savons qu'il n'est pas d'ordre établi, d'injustices
immuables, de misères qu'on ne peut détruire. Jamais sans doute, tant de citoyens n’ont
exprimé le besoin de vivre en harmonie avec leur environnement, le besoin vital de
créer des solidarités nouvelles, de dépasser enfin le consumérisme et le productivisme,
d’en finir avec la concurrence et le gain de quelques-uns pour aller vers la coopération
et la réussite de tous.
Pour toutes les générations présentes et futures, c’est ici notre responsabilité, notre
engagement et la société que nous voulons.
L'EGALITE
Les êtres humains sont égaux. Cette égalité est même le fondement premier de nos
valeurs politiques, de celle-ci découlent nos combats pour la démocratie, la justice
sociale et l’écologie.
Les différences ne fondent aucune hiérarchie dans le domaine politique, économique et
7social, dans ce qui relève de la « chose publique », de la République.
Cette égalité fonde la liberté de chacun, bornée par celle des autres et par là, le respect
de la Loi est impératif tant que sont respectés ces principes d’égalité et de liberté.
Nous faisons nôtre l’enseignement majeur du Mouvement Ouvrier et de celui de Jaurès
et combattons pour une égalité et une liberté réelles.
Notre mouvement affirme l'objectif principal de la suppression des dominations sociales
fondées sur la propriété des moyens de production, de consommation et d’échange, les
inégalités sociales à la naissance, les hiérarchies fondées sur le genre, sur la classe
sociale, l’origine géographique ou culturelle
Cette émancipation collective et individuelle ne peut se fonder sur la compétition et la
concurrence en tant que valeurs, masques usés pour défendre l’inégalité réelle au nom
d’une chimérique égalité des chances.
Voilà pourquoi le Mouvement se bat pour une société basée sur le principe de
coopération entre égales et égaux, où, pour tout ce qui relève de l’activité collective,
l’égalité de droits et devoirs entre citoyens-ne-s doit être entière.
L’ECOLOGIE
La dette écologique ne se rembourse pas à la différence de la dette financière. La
première ne peut pas être subordonnée au remboursement de la seconde. Le
capitalisme ne se contente pas d’exploiter le travail des hommes, en soumettant le
destin du monde à la recherche et à la maximisation des profits à court terme, il exploite
sans limite les ressources naturelles, il mutile la nature et remet en question l'équilibre
des écosystèmes de la Terre. Notre conscience écologique implique une critique
radicale du système capitaliste. Du « socialisme jardinier » de Fourier à la vision
d’Elisée Reclus d’une ville «verte» imaginée comme le lieu même de la vie
démocratique, nous croyons aux progrès de la science et à la conquête du bien-être
1universel – dès lors que ces avancées s’effectuent dans la connaissance et le respect
de la nature. Nous rejetons la religion de la croissance matérielle comme indicateur
exclusif du bien être universel. Nous lui opposons des indicateurs de développement et
d’émancipation qui s’affranchissent de la mesure du PIB pour intégrer l’exigence de la
transition écologique, de la transition énergétique pour de la « bonne santé» des
hommes et du monde vivant, de la biosphère, de l’éducation et de la culture. Nous
défendons la reconnaissance par la France, l’Europe et la communauté internationale
des « communs », l’eau, l’air, la forêt, les océans, la biodiversité, patrimoine qu’il faut
protéger et restaurer pour permettre à l’humanité de retrouver l’harmonie avec son
1milieu. Nous savons la valeur de la terre et des sols naturels dont la consommation par
l'urbanisation spéculative et l'imperméabilisation galopante altèrent les capacités
d'absorption de CO2 et le potentiel agricole. Loin d'une agriculture industrialisée et
financiarisée dont la rentabilité repose sur l'emploi exponentiel de pesticides aux effets
délétères sur notre santé, et celle des générations à venir, nous soutenons une
agriculture paysanne et bio permettant la relocalisation d'une production alimentaire
saine.
La société humaine dépend des ressources écologiques de la planète. Nous
défendons donc un modèle de développement tempérant qui implique la conversion
écologique de l’économie, la rupture avec le productivisme, le consumérisme et la
religion de la croissance. Nous devons garantir l’intégrité des écosystèmes et préserver
la biodiversité. Le libre échange généralisé accélère le réchauffement climatique et le
gaspillage des ressources, la dégradation l’environnement. Nous voulons lui opposer
des échanges économiques sobres en carbone, favorisant les circuits courts, les
productions locales et l’économie circulaire. Nous voulons promouvoir l’économie
sociale et solidaire et toutes les formes d’entreprises et d’entrepreneuriat qui intègrent
des principes démocratiques, limitent la lucrativité et améliorent les externalités
environnementales et sociales de leurs activités.
LA DEMOCRATIE
L’égalité des droits et des devoirs, la liberté personnelle et collective d’opinion. Voilà ce
qui fonde la démocratie comme principe supérieur d’organisation sociale.
Dans le domaine des institutions, nous promouvons un équilibre entre démocratie
représentative et participation directe des citoyens, la coopération entre pouvoirs
législatif et exécutif et non la prééminence de ce dernier. Nous croyons en une
République véritablement régie par la devise d’Abraham Lincoln : le gouvernement du
peuple par le peuple et pour le peuple. Nous croyons en l’intelligence collective et
refusons toutes les formes de démocratie amoindries qui subordonnent le destin de
notre pays au « génie » d’un seul. Nous voulons une 6ème république démocratique et
participative, écologique et sociale, laïque et décentralisée.
Dans le champ économique et social, nous nous inscrivons dans le combat et la
promesse socialistes qui ne concevaient pas d’émancipation possible si la démocratie
était interdite de franchir les portes de l’atelier. La démocratie n’est pas une oasis qui se
limiterait à l’exercice intermittent du droit de vote pour élire des représentants. Le peuple
n’est pas un lobby parmi d’autres, comparable aux experts, marchés financiers et
entreprises. Notre projet est plus que jamais la démocratie jusqu’au bout, la démocratie
continue et notre souverain exclusif demeure le peuple. Nous refusons le seul pouvoir
des grands actionnaires privés et promouvons l’entreprise avec ses déclinaisons
plurielles, non comme une propriété mais comme une co-existence d’acteurs, où les
salariés co-décident. En ce sens, nous promouvons l’économie sociale et solidaire
comme le modèle d’avenir des relations de production et d’échange.
LA JUSTICE SOCIALE
Nos sociétés restent structurées par des rapports de domination et d’exploitation. Les
conflits d’intérêt entre classes sociales subsistent et se sont même accentués depuis
l’essor de la révolution néolibérale des années 80 et la mondialisation financière.
L’individualisation du travail et la crise de la société salariale ont altéré la conscience de
classe mais pas la réalité des processus de soumission des classes productives aux
intérêts d’une infime minorité qui possède l’essentiel des richesses mondiales. Nous
pensons que l’augmentation exponentielle de la richesse créée grâce au
réinvestissement des profits financiers et à la spéculation au détriment de la richesse
productive est responsable d’un accroissement insupportable des inégalités entre le
sommet de la pyramide sociale et l’immense majorité de l’humanité. Nous voulons donc
la justice par la redistribution des richesses, par la mise en œuvre de transferts de
richesse à l’échelle nationale, européenne et internationale des minorités les plus riches
vers le reste de la population par les services publics, l’éducation, les politiques de
santé, l’augmentation des salaires, la réduction du temps de travail, le Revenu Universel
d’Existence, les péréquations entre territoires et la solidarité internationale.
Vouloir la justice sociale ne se réduit pas à une meilleure redistribution des richesses. Il
ne peut y avoir de République réalisée sans la certitude pour chacun d’échapper à
toutes les formes de domination. En premier lieu, nous combattons pour l’égalité entre
les femmes et les hommes dans le droit et les faits. Nous reprenons à notre compte
l’engagement d’Aimé Césaire qui rappelait que le combat commun des travailleurs
n’effaçait pas la persistance des discriminations fondées sur la couleur de peau. Cela
est tout aussi vrai pour toutes les autres discriminations fondées sur la culture, la
croyance ou l’orientation sexuelle. Notre combat pour la justice embrasse la lutte contre
tous les processus de domination culturelle qui, à force de stéréotypes dégradants,
refusent aux personnes discriminées la jouissance d'une citoyenneté pleine et entière.
Voilà pourquoi nous prônons la laïcité telle qu’elle fut réalisée en 1905 qui ne sépare
jamais l’égalité, l’émancipation et le respect de croire ou de ne pas croire.
L’éducation, contre l’ignorance et tous les obscurantismes est la clé de l’émancipation et
de l’épanouissement des individus. Nous voulons une éducation humaniste, capable
d’ouvrir pour chaque élève des perspectives pour se réaliser comme citoyen et individu
tout au long de la vie et pas seulement préparer l’insertion professionnelle immédiate.
Nous défendons le vieux rêve de Victor Hugo de l’éradication de la pauvreté, un
impératif moral, social et économique. Chaque citoyen doit voir ses droits fondamentaux
– se loger, se nourrir, se cultiver, se soigner et s’éduquer – assurés tout au long de sa
vie. Un nouveau pilier de la Sécurité sociale doit être créé pour garantir des revenus
décents, redonner de l’autonomie à chacun et transformer le travail : le revenu universel
d’existence. Nous reprendrons sous des formes variées la réduction du temps de travail.
L’INTERNATIONALISME
Nous sommes européens et voulons poursuivre le processus de rapprochement des
peuples européens et la réalisation d'une Europe fédérale. Le projet européen, pensé
comme un antidote à la guerre doit désormais redevenir un projet émancipateur pour les
européens. Cette promesse s’est évanouie dans les politiques néolibérales austéritaires
mises en œuvre par l’Union européenne depuis Maastricht. Le néolibéralisme a placé
l’Europe dans une impasse qui menace sa propre existence. Le rebond n’est pas dans
le repli souverainiste et nationaliste. Nous défendons un agenda progressiste,
européen, transnational comme seule alternative à la double impasse du néo-
libéralisme et du nationalisme.
Nous voulons retrouver la ferveur des engagements internationalistes des pères
fondateurs de la gauche moderne. Le seul niveau pertinent pour inverser la courbe du
réchauffement, lutter contre l’évasion fiscale, proposer la relocalisation des économies
face au libre-échange, est l’échelle internationale. Nous nous engagerons dans la
réalisation d’une alliance internationale des progressistes pour reconstruire les liens
entre les peuples autour de la promotion des biens communs face à la dégradation de
l’environnement, de la défense des services publics, de droits fondamentaux semblables
par-delà les frontières, dont la neutralité du Net face à la financiarisation de l’économie,
de la solidarité internationale face aux à la grande pauvreté et aux déplacements de
population, de la défense de la démocratie et du droit à l’autodétermination des peuples